pélican du soir

Fin de journée de plein soleil. Pélican posé sur l'eau bleue tire mollement sur sa chaine.
Il évite dans le courant vif du jusant. Sa puissante étrave intimide le badaud du soir. Que faire de la beauté oppressante de cette  masse immense ?  D'aucuns prétendent que
l'oeuvre d'art se caractérise par la présence du monde entier dans un seul objet. Elle synthétiserait ainsi une vision totale à un instant donné. Qu'est-ce donc qui fait beau, ici, ce soir, dans cette montagne métallique ? Je vois la présence du travail de l'homme,
d'une foule d'hommes en lutte qui ont ployé, coupé, soudé, selon des plans réfléchis
par d'autres hommes les parties d'un grand tout, sans vision de sa globalité. Simplement
  reliant les pièces du puzzle jusqu'à sa destinée finale . Il s'agira alors de flotter,  transporter, inscrire son sillage dans la longue histoire de l'eau. D'autres hommes l'ont piloté, manoeuvré, conduit de port en port, chargé, déchargé, frotté à des quais incertains.
Des marins , ici ont connu la peur, la joie, la peine des séparations. Le corps bleu du pélican porte encore les traces intimes de son épopée. Convoité, acheté, trahi, revendu, rebaptisé, il a changé de mains souvent avant de mouiller ici, laissant deviner dans ses traînées de rouille la destinée commune de toute création, sa disparition.