fortune d'amer

Publié le par Jissey.Moro

Ce matin, tu entres dans ta librairie favorite.
Bougon.
Ca fait des semaines que tu n'arrives pas à ouvrir un livre
Nerveux.
Tu rodes dans les rayons, rasant les titres, les couvertures.
Sceptique.
Les titres ne sonnent pas, glissent,
Vaseux.
Ton libraire favori, approche, vient te saluer.
Bonhomme.
Tu te sens limite agacé dans ta quête qui tourne.
En rond.
Tu ne sais pas quoi lui dire, tu as envie de tout,
sauf de conseil.
Il n'est décidément pas là le livre que tu cherches,
Perdu?
Pour faire le malin, tu dis au libraire.
Que tu ne cherches rien.
Que tu attends qu'un livre te trouve.
Oui, mais lequel?
L'illustration d'un opuscule de poche te hèle.
Tu découvres une photographie qui t'est familière.
Un hublot de cargo sur une coque d'acier rouge.

2010_02_1510.jpgCette vitre salée, fenêtre sur l'existence,
est opaque de l'extérieur,
Elle donne la possibilité de deviner le monde,
de l'imaginer, du coeur d'une carapace de tôle.
Cela te semble un beau début de roman.
L'histoire finalement démarre avant le livre.
Le titre te suffit presque :
FORTUNE D'AMER 
C'est bien l'ambiance du jour. 
Le nom de l'auteur ne te dit rien. 
Est-qu'il s'agit d'un roman, d'un récit de voyage,
d'un ensemble de poèmes sombres,
imbibés d'alcools exotiques aux teintes de lagons?
L'auteur est-il célèbre, déchu, inconnu,
mystificateur,  mythomane, simple menteur ?
Un peu plus loin, une autre image que tu reconnais aussi.
Ce mur décrépi d'une façade en rénovation.
Les grands travaux.
Au dos de l'ouvrage, il est inscrit de façon alambiquée,
que l'auteur, sur le retour d'une vie
qui n'a  jamais vraiment démarré,
prétend que l'homme, telle une ville,
est parcouru de voies innombrables.
Elles bifurquent, se croisent, se perdent,
La vie pour lui est un chantier incessant,
inutile et nécessaire.
Les époques se succèdent, se piétinent.
Quand on ne redessine pas les plans de l'intérieur,
on ravale la façade, comme on ravale ses larmes.
La mémoire ne se découvre que par lambeaux 
lors des grands bouleversements de l'existence,
dont on serait les maladroits ouvriers.
2010_02_1633.jpg

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