puisque la résine donne du temps au temps...
L'immobilité forcée a pour vertu de se tourner
vers sa bibliothèque.
C'est aussi l'une des compagnies préférées des marins.
Les mouillages et les traversées sont propices à l'exercice de la lecture.
La bibliothèque n'est pas vaste sur un voilier, mais se compose d'ouvrages obligés et de fantaisies. Ici, on trouve, les instructions nautiques, l'almanach du marin breton, quelques revues sécialisées, des ouvrages de Borgès, Pessoa, Quignard, Michaux, René Char, Francis Ponge, Jorn Riel et quelques inévitables jazz book. Autant de documents qui sont les piliers répétitifs et nécessaires des navigations,
compagnons fidèles et sans cesse renouvelés.
Cette année, j'avais emmené de plus un livre au titre maritime,
mystérieux et simple : Sukkwan Island de David Vann.
Borgès n'aimait pas les romans, dit on.
Il prétendait qu'il ne fallait en retenir que les titres et encore.
Ce texte concis me pousse à contrarier quelque peu Borgès,
même s'il est vrai que la taille de ce roman n'en fait pas un pavé
boursouflé de descriptions et d'intentions.
Pas question de raconter ici, l'histoire qui est un choc
et ne produit son effet que par les coups successifs
qu'elle provoque.
Ce huis clos entre un père et son jeune fils
se déroule dans un paysage qui rappelle Into The Wild.
Sa richesse tient dans les questions qu'il suscite.
Anti-voyage initiatique, tête à tête père fils ; Qui est qui ?
Qui devient l'objet de l'autre ?
Qu'est-ce qu'un père pour son fils, un fils pour son père ?
attentes indicibles les séparent et les unisssent ?
Combien de vies dans une vie ?
Quelle part inhabitée de soi peut envahir son existence,
puis celle des autres proches, au point
d'entraîner sa propre création dans son cyclone intérieur ?
Étonnant voyage pour qui est père,
dont on peut difficilement sortir intact
malgré sa sobriété formelle.
N'avons pas tous été tentés un jour ou l'autre
par une île ?